著者
森脇 慧
出版者
日本フランス語フランス文学会
雑誌
フランス語フランス文学研究 (ISSN:04254929)
巻号頁・発行日
vol.121, pp.85-101, 2022 (Released:2022-08-31)

La Vie scélérate à travers La Vie sans fardsroman, autobiographie et biographie chez Maryse CondéKei MORIWAKI   Cet article propose de relire La Vie scélérate à partir de La Vie sans fards pour repenser la relation entre les romans et les œuvres (auto)biographiques chez Maryse Condé.  La Vie scélérate est un roman paru en 1987, dans lequel Condé raconte l’histoire d’une famille bourgeoise noire de Guadeloupe à travers quatre générations, et La Vie sans fards est la deuxième œuvre autobiographique, parue en 2012, dans laquelle l’auteure raconte sa démarche en Afrique dans les années 60. Malgré le décalage des dates de parution et des sujets, l’écrivaine suggère dès les titres une relation profonde entre les deux œuvres : la conformité de l’expression « La Vie », la consonance en « s » et l’assonance en « a » les reliant phonétiquement.  En outre, nous pouvons remarquer une concordance des arbres généalogiques des familles dans les deux œuvres. À cet égard, sont particulièrement significatives la présence de Claude dite Coco, fille de quatrième génération de la famille et narratrice de La Vie scélérate, et celle de Denis, le premier fils de Condé. En effet, les circonstances de leur naissance (l’écrivaine confie pour la première fois, dans La Vie sans fards, la « vérité » que Denis est bâtard) et de leur enfance sont semblables. En outre, leurs descriptions, dans les deux livres, présentent des analogies textuelles. Si nous relisons La Vie scélérate par cet intermédiaire, Claude apparaît ainsi comme le double de Denis.  Or Condé a déclaré avoir une relation complexe avec son fils aîné : pendant longtemps, elle n’a pas pu accepter d’être mère célibataire et a dissimulé la naissance de Denis ; plus tard, elle n’a pas pu accepter qu’il soit homosexuel (le choix du nom épicène « Claude » reflèterait ce fait) ni qu’il ait voulu devenir écrivain. À l’époque où Condé a écrit La Vie scélérate, Denis souffrait de ce rejet de son identité et avait quitté sa mère.  Cette relecture nous permet de présenter de nouvelles interprétations de La Vie scélérate : à travers le personnage de Claude, Condé raconte l’histoire fantasmée de Denis, auquel elle dédie ce roman en tant que mère écrivaine. Elle a ainsi voulu légitimer son fils par sa propre création, en espérant qu’il bâtirait sa propre identité comme Claude, qui le fait et décide d’écrire un roman éponyme à la fin de l’intrigue.