著者
浜永 和希
出版者
日本フランス語フランス文学会
雑誌
フランス語フランス文学研究 (ISSN:04254929)
巻号頁・発行日
vol.121, pp.21-36, 2022 (Released:2022-08-31)

Ce que les poètes taisent à propos de fleursLe revers de l’image héroïque du poète chez Baudelaire, Banville et RimbaudKazuki HAMANAGA   Rimbaud a envoyé deux lettres à Banville. Dans la lettre du 24 mai 1870, il dit son admiration pour lui et parle de sa passion pour la poésie. Le ton change dans la lettre du 15 août 1871 : elle commence par la citation d’un long poème, intitulé Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs, et à la fin duquel figure une signature : « Alcide Bava ». Des commentateurs se sont disputés sur le message de ce poème : pour les uns, c’est une parodie de la poésie de Banville ; pour les autres, un pastiche amical. Mais cette problématique est trompeuse, car tous semblent à tort considérer Banville comme un poète naïf, qui chante la beauté des fleurs dans des vers savamment composés.  Banville n’est pas un pur esthète. Dans À Théodore de Banville, Baudelaire assimile la destinée du poète à celle d’Hercule, impliqué dans une série de vengeances. Le revers de l’image héroïque du poète y est exposé : le sang qui s’écoule des pores du poète suggère la syphilis, le prix qu’il doit payer pour un plaisir éphémère. Aussi Banville fait-il un clin d’oeil à son ami dans À Charles Baudelaire, où la rose fait allusion à la roséole. Lorsqu’un poète se livre à la débauche, il oublie l’intérêt public qu’il devrait poursuivre en tant que héros, et laisse son âme rongée par l’égoïsme. Banville conseille à Baudelaire de ne pas s’opposer à la société en la dénonçant, sans pour autant récuser cette dénonciation. Il se tait sur la dégradation du poète-héros.  Rimbaud est intraitable vis-à-vis de cette hypocrisie. S’interrogeant sur l’amour dans la première et la dernière section de son poème, il se refuse à un amour égoïste. Mais l’idée de l’amour altruiste que forme Rimbaud est trop fragile, et peut-être trop puérile, pour être exprimée sans détour. Il a ainsi substitué on à je, et les fleurs à l’amour, comme il s’est dissimulé sous le masque d’Alcide Bava.