Entre 1910 et 1927, Henri Focillon etudie intensement l'art asiatique, publiant trois livres et cinq articles en la matiere. Les ouvrages doivent beaucoup a la pensee de Tenshin Okakura, dont Les Ideaux de l'Orient a ete traduit en francais en 1917, quatorze ans apres la publication de la version originale. La lenteur de cette traduction fait surgir dans les annees 1920 et 1930 en France, la conception inattendue de l'histoire de l'art asiatique, ce qu'il convient d'appeler "l'histoire universelle de l'art". Le livre d'Okakura a deja perdu de son autorite dans les annees 1910. L'aspect ideologique de son idee "pan-asianiste" a ete stigmatise du point de vue scientifique. Mais Focillon n'hesite pas a admirer sa perspective historique, bien structuree, parce qu'il y devine la possibilite de degager l'universalite de l'art. Okakura, pronant son idee de "l'unite de l'Asie", opposait l'art asiatique a l'art occidental. Focillon, a son tour, utilise la notion d' "unite", tout en l'extrapolant au dela de "l'antinomie Orient-Occident". Il envisage de remplacer "l'unite de l'Asie" par un concept plus megalomane de "l'unite de l'Eurasie". Reflechissant a la fois sur l'ideal d'Okakura et sur le probleme politique d'apres-guerre, Focillon en arrive a etablir une espece d' "histoire universelle de l'art".