著者
本間 義啓
出版者
日本哲学会
雑誌
哲学 (ISSN:03873358)
巻号頁・発行日
vol.2018, no.69, pp.244-258, 2018-04-01 (Released:2018-08-01)

Le mal peut se dénier lui-même en se cachant lui-même. L’expérience montre que l’être humain peut faire le mal sans avoir aucune mauvaise volonté. Tout se passe comme si la mauvaise intention n’existait pas. Comment et pourquoi peut-on rejeter le savoir de son propre mal ? Selon Rogozinski, le sujet mauvais peut s’illusionner sur lui-même au point de croire qu’il fait le bien. En interrogeant le phénomène de la chasse aux sorcières, Rogozinski décrit comment le persécuteur, sous la poussée de la haine, construit des innocents en ennemis à exterminer. Tout en croyant résister aux ennemis mauvais, c’est la résistance même qui constitue leur menace. Le mal est alors un objet illusoire qui est construit par la résistance illusoire au mal. Le mal en tant qu’illusion, tel est le fil conducteur qui nous permet de tracer le développement de la pensée de Rogozinski sur la question du mal. Dans Le Moi et la chair, Rogozinski analyse la haine comme la matrice affective du mal. La haine est mauvaise dans la mesure où elle défigure la vérité de l’ego. Si je haïs l’autre, c’est que je projette sur lui la haine que j’éprouve envers l’étrangeté en moi. L’autre en tant qu’objet de la haine est construit par la projection d’une part de moi-même sur l’autre pour dénier que j’en suis. Ce déni de soi s’accomplit au moment où je détruis dans l’autre l’objet de la haine que j’ai éprouvé en moi. C’est ainsi que Rogozinski définit la haine comme une « puissance de la contre-vérité ». Dans Ils m’ont haï sans raison, Rogozinski analyse le « dispositif de persécution » pour nous montrer comment la haine persécutrice défigure la vérité du moi. Ce dispositif a une fonction essentielle de « faire dire » la vérité. En faisant avouer « être sorcière » sous la torture, le persécuteur construit lui-même son Ennemi. Ce qui est étonnant, c’est que la victime fait librement l’aveu de son crime imaginaire pour renier la vérité de son moi. Tout se passe comme si le « deceptor qui pousse le moi à se renier lui-même, à se laisser dérober sa vérité par un Autre » était la victime lui-même. Comment la résistance au mal est-il possible pour l’ego qui est dérobé de lui-même par lui-même ? Tel est la question que Rogozinski nous invite à discuter.