著者
岩田 好司
出版者
久留米大学
雑誌
久留米大学外国語教育研究所紀要 (ISSN:13406175)
巻号頁・発行日
vol.6, pp.45-68, 1999-03

Ismail Kadare, ne en 1936 a Girokastra, est, comme on le sait, l'un des plus celebres ecrivains de l'Albanie. Tres jeune, il s'est fait connaitre notamment grace au succes international de Le general de I'armee morte et il a plusieurs fois ete candidat au prix Nobel de la litterature. Etant donne que Kadare ecrit en albanais, rien n'est plus naturel que son oeuvre soit inseparablement liee a tout ce qui concerne ce peuple habitant dans le sud-ouest de la peninsule balkanique: son histoire, sa culture, ses legendes et mythes et evidemment sa politique cotemporaine. Mais il reussit si bien a universaliser son materiau "local" que l'on a tendance a oublier de quoi il fait son roman. En effet, il nasse sous silence la realite brute albanaise. Il n'est cependant pas fortuit que Kadare ait evite de traiter de facon directe et critique des problemes brulants dont souffrait son pays. Tant s'en faut. Cette sorte d'auto-censure prouve l'inseparabilite de son oeuvre et de la vie quotidienne de l'Albanie contemporaine; Kadare devait vivre (ecrire), comme tous ses compatriotes, sous la menace de la dictature d'Enver Hoxha (1908-85), qui etait au pouvoir depuis la fin de la guerre. Il etait oblige, sous peine de prison, de contourner ou mettre en fable les grands problemes contemporains - tvrannie ou politiaue totalitaire et isolement international. On ne pouvait alors que deviner ce qui se dissimulait derriere les paraboles que racontaient ses romans. Et pourtant la situation evolue depuis que Kadare s'est refugie en France en 1990; il s'est mis a s'exprimer librement.Et les oeuvres cachees par crainte de la police secrete n'ont pas tarde a voir le jour, dont L'ombre. Redige dans une version semi-codee en 1984-86, le manuscrit fut depose dans un coffre de banque a Paris, ordre etant donne a l'editeur de le publier aussitot en cas d'"accident" survenu a l'ecrivain. Heureusement cecui-ci a survecu au regime stalinien et l'oeuvre se voit publier en 1994. Dans ce roman en quelque sorte testamentaire et qui constitue le corpus principal de notre etude, Kadare revele pour la premire fois la matiere brute de sa litterature: isolement et souffranee du peuple albanais sous la dictature de Hoxha. Assuremment ne se contente-t-il pas de la reveler; il l'unversalise en la sublimant a l'aide du patrimoine legendaire et mythologique, notamment de la legende de Doruntine, a laquelle il a deja consacre deux roman: Le crepuscule des dieux de la steppe (1978) et Qui a ramene Doruntine? (1980). Partant d'une analyse rapide des deux romans precedents pour voir combien la dimension politique de la legende y est dissimulee, nous suivrons la troisieme variation sur Doruntine dans L'ombre. Variation au cours de laquelle une simple aventure amoureuse d'un Albanais avec une Parisienne se metamorphose en une histoire mythique de resurrection du peuple albanais. Nous esperons ainsi faire ressortir l'inseparable lien de la creation litteraire d'Ismail Kadare et de son pays.