- 著者
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井村 実名子
- 出版者
- 東京女子大学
- 雑誌
- 東京女子大学紀要論集 (ISSN:04934350)
- 巻号頁・発行日
- vol.52, no.2, pp.127-154, 2002-03-07
Sensible aux eloges repetes du critique de la Presse, Delacroix sollicite son appui a partir des annees 1840. Il lui envoie la serie lithographique de Hamlet (1843) pour le prier d'en faire mention dans son feuilleton, et Gautier repond sans tarder a ses prieres. En 1847, le peintre se rend chez lui pour <le remercier de son article splendide qui [lui] a fait grand plaisir>. La presence, dans la collection de Gautier, de quelques oeuvres de Delacroix (Saint Jerome, Lady Macbeth etc.), dons presumes de l'artiste au critique, ainsi que ses plusieurs lettres cordiales, prouvent l'amitie et la ferme confiance que le peintre accordait a l'ecrivain. Leurs rapports, fondes sur de profondes affinites esthetiques et sur un respect mutuel, ne connaissent pas de tension, au contraire du cas de Baudelaire. Pour l'artiste, Gautier represente la puissance et la competence de la plume, tandis que Baudelaire n'est qu'un dilettante capricieux ou un boheme dont les extravagances le contrarient parfois, et vis-a-vis duquel ce dandy courtois veut prudemment garder ses distances. Dans la notice necrologique que Baudelaire redige en 1863, il laisse echapper son ressentiment secret en parlant de la froideur, la mechancete, l'avarice de son maitre adore. Lors de l'Exposition universelle de 1855, nos deux poetes rendent chacun hommage au genie de Delacroix qui, avec la grande retrospective de sa peinture, <apparait dans l'eclat d'une gloire sereine, desormais incontestable>. L'insertion de deux poemes de Gautier dans son article, en meme temps que son celebre quatrain dedie a Delacroix, atteste la joie et la fierte de Baudelaire d'avoir contribue au triomphe definitif du peintre, a la suite de cet eminent guide qu'est pour lui Gautier. Baudelaire y tisse un beau reve triangulaire d'union entre trois esprits sympathisants. L'autre convergence esthetique significative, c'est la predilection marquee de tous trois pour l'ecole anglaise, dont Gautier fait un commentaire elogieux qui frappe surtout Baudelaire, lui aussi attire par l'originalite de cette ecole: <bizarre jusqu'a la chinoiserie, mais d'une grace fashionable>, caracterisee par sa moderniti, qualites rares dans l'ecole francaise. Le dedicataire des Fleurs du Mai, a la fin de son etude importante consacree au poete disparu, evoque la musique de Weber, <comme un soupir du monde surnaturel, comme la voix des esprits invisibles qui s'appellent>. Dans sa comprehension clairvoyante de la poetique de sorcellerie evocatoire chere a Baudelaire, une reminiscence inavouee surgit a l'esprit de Gautier, celle de ces fanfares mysterieuses, qualifiees par l'auteur des Phares, <d'idees de musique romantique que reveillent les harmonies de la couleur de Delacroix>.