著者
井村 実名子
出版者
東京女子大学
雑誌
東京女子大学紀要論集 (ISSN:04934350)
巻号頁・発行日
vol.51, no.2, pp.165-194, 2001-03-07

L'abondante oeuvre critique de Theophile Gautier, en majeure partie dispersee dans les journaux de l'epoque, reste meprisee et mal connue. Ses chroniques artistiques, en particulier, qu'il ecrivit sans cesse durant les quarante ans de sa carriere litteraire, sont tombees dans l'oubli, alors meme que les brillants Salons de Baudelaire, publies en 1845, 1846 et 1859, jouissent d'une grande celebrite avec les eloges chaleureux dont il combla Delacroix, son unique heros de la peinture moderne. Or, sur ce dernier point, une lettre du jeune Baudelaire, ecrite en 1838, fournit la preuve incontestable d'une influence de la part des Salons de Gautier, car ce collegien de dix-sept ans, charme par La Bataille de Taillebourg du Musee de Versailles, avoue que son gout esthetique est <peut-etre le fruit des lectures de la Presse qui porte aux nues Delacroix>. Gautier apparait en effet, des ses premiers articles sur l'art en 1832, comme un defenseur fidele de cet artiste souvent attaque, et il s'enthousiasme pour ce <talent vivace, ardent, fievreux, plein d'audace et de tumulte, eclatant, inegal et soudain, un vrai talent revolutionnaire> (Salon de 1837). Et c'est aussi Gautier, auteur des Grotesques, avec ses jugements precurseurs sur la peinture espagnole, ou sur Hoffmann le fantasque, qui a eveille le vif interet du jeune Baudelaire pour la caricature, le bouffon et le grotesque a la maniere de Goya. Il faut remarquer en meme temps que Baudelaire tiendra toujours, meme apres la publication des Emaux et camees (1852), a sa predilection pour Tenebres, Compensation, Chinoiserie, poemes qu'il avait trouves dans La Comedie de la mort (1838). Tout cela permet de constater, done, que ce poete se laissa influencer des son adolescence par les ecrits du jeune Gautier, bien avant qu'ils ne se connaissent. Lorsqu'il veut rejoindre son devancier, avec ses Salons de 1845 et 1846, Baudelaire, naturellement, <le prend pour modele et cible a la fois> (Stephane Guegan) et la confrontation des memes Salons revus par les deux poetes, nous permet de degager l'ambivalence des sentiments que le cadet eprouve a l'egard de son aine, d'ou quelques phrases injurieuses et le lancement de defis contre le critique in fluent de la Presse, qu'il desire d'autant plus depasser qu'il reconnait sa dette esthetique envers lui. J'ai examine l'affinite de notions parmi les plus importantes chez eux: celles de naivete et de modernite. C'est en effet Gautier qui remarqua le premier dans les paysages de Corot <un amour sincere de la nature et une naivete parfaite d'execution>, c'est-a-dire <l'absence complete de chic>, qualite essentielle pour un vrai artiste, et que vantera Baudelaire a son tour. Au debut de son Salon de 1846, Gautier souligne la grande diversite des sujets de l'exposition et l'elargissement de la couleur locale grace a la vapeur qui permet d'etudier directement la nature des pays lointains du monde entier. <Le Pegase moderne sera une locomotive!> s'ecrie Gautier desormais plus conciliant avec le Progres. Sans doute irrite contre cette vision trop optimiste et banale, Baudelaire qui cherchait, lui aussi, un heroisme du temps moderne, prend un parti nettement contraire: celui de rester a Paris pour y decouvrir une nouvelle beaute poetique dans la vie elegante du dandy (a suivre).
著者
井村 実名子
出版者
東京女子大学
雑誌
東京女子大学紀要論集 (ISSN:04934350)
巻号頁・発行日
vol.38, no.2, pp.159-184, 1988-03-10

I (chap. 10〜13): Le petit Cenacle et ses relations avec Victor Hugo. De 1831 a 1832, Nerval et Gautier, avec d'autres jeunes artistes et poetes comme J. Duseigneur, P. Borel, A. Maquet, Ph. O'Neddy, C. Nanteuil, forment une association nommee le Petit Cenacle. Victor Hugo est le roi idolatre de cette jeunesse ivre de liberte dans l'Art et exaltee par le triomphe d'Hernani. Nerval ebauche plusieurs pieces dramatiques, mais aucune ne sera representee. Gautier s' essaye plutot a la poesie et aux contes fantastiques. Tous les deux publient des poemes et des articles dans les memes periodiques tels que Mercure de France au 19^e siecle, Le Cabinet de lecture, etc. Pour defendre la nouvelle ecole romantique, ils assistent a la premiere representation de Marion De Lorme (11 aout 1831). Dans la preface de ce drame, Hugo fait appel aux jeunes gens, en declarant qu'il est "bien fier de leur appartenir et bien glorieux d'avoir vu quelquefois son nom dans leur bouche". Les deux disciples rendent hommage a l'auteur de Motre-Dame de Paris en faisant chacun des vers consacres a la vieille Cathedrale. Gautier y ajoute volontiers le theme pittoresque si cher a Hugo: "Coucher du soleil". Quand Duseigneur a expose un buste de Hugo et les portraits en medaillons de la <<camaraderie>>, Gautier en fait un article elogieux. Le Maitre et ses disciples se soutiennent ainsi reciproquement. Les membres du Cenacle font en toute occasion la louange du grand poete. L'ode artistique dediee par Gautier au sculpteur Duseigneur, et tout le volume de Rhapsodies, par P. Borel dit le Lycanthrope, parseme de citations de tous les camarades, en offrent deux exemples typiques: ils veulent avant tout celebrer leur amitie, leur solidarity leur haine commune contre le siecle in fame domine par la bourgeoisie. II (chap. 14〜16): Problemes d'attribution et de restitution: recit des quiproquos et cas du Gastronome. On sait qu'un grand nombre d'articles anonymes ou sous divers pseudonymes sont trop genereusement attribues a Nerval. L'etude recente de Michel Brix nous a eclaires sur chaque attribution douteuse, et on peut constater par exemple la perte entiere des douze <<contes fantastiques>> qui furent recueillis dans le second tome des CEuvres completes de G. de Nerval (Champion, 1928). Le probleme difficile d'attribution se presente des le debut de la vie litteraire de Nerval et de Gautier. Nous examinons en particulier deux textes, non signes, parus en 1831 dans Le Gastronome: Cauchemar d'un mangeur, longtemps attribue a Nerval puis restitue a Gautier depuis 1961, et Un repas au desert d'Egypte, le premier article du jeune Gautier, decouvert par Lovenjoul. Ensuite nous etudions les suppositions qui indiquent W. Irving comme sources de leurs recits fantastiques (Cauchemar d'un mangeur, La Cafetiere, Le Monstre vert). Si les ecrivains contemporains echangent frequemment des themes nouveaux, des images seduisantes, des idees en vogue, cela n'a rien de surprenant, surtout a cette epoque ou les adaptations libres et les emprunts ne sont pas prohibes, et on rencontre par consequent de nombreuses imitations, banales ou "creatrices". Il est donc hasardeux de deduire l'origine ou la parente de tel ecrit anonyme sur la seule foi d'images semblables retrouvees dans d'autres ouvrages. (a suivre)
著者
井村 実名子
出版者
東京女子大学
雑誌
東京女子大學附屬比較文化研究所紀要 (ISSN:05638186)
巻号頁・発行日
vol.36, pp.79-95, 1975-01

C'est surtout avec The Symbolist movement in literature d'Arthur Symons que Gerard de Nerval fut introduit au Japon, vers la fin de l'epoque de Meiji, si passionnante, qui connaissait en meme temps et la vogue du naturalisme et la decouverte de la theorie symboliste. Tous les ecrivains, avides d'apprendre et de saisir les nouvelles idees litteraires occidentales, les poetes symbolistes tels KANBARA Ariake, MIKI Rofu, les critiques comme HASEGAWA Tenkei, IWANO Homei, KURIYAGAWA Hakuson, et meme des romanciers naturalistes comme SIMAZAKI Toson, TAYAMA Katai lisent ce prestigieux livre et en sont vivement impressionnes. Le nom de Nerval, qui y occupe une place privilegiee comme "precurseur du symbolisme" etait done plutot celebre, sans qu'on connaisse pourtant les oeuvres elles-memes excepte Vers dores et Artemis cites en entier par le critique anglais. La traduction japonaise par IWANO Homei (1913) est encore capable, malgre les grosses fautes qu'on y impute, d'enchanter la jeune generation des annees 1925-30, dont le poete TOMINAGA Taro qui est obsede par ce "regard qui t'epie, dans le mur aveugle", les eminents critiques tels que KOBAYASHI Hideo et KAWAKAMI Tetsutaro, et enfin NAKAHARA Chuya qui questionne Nerval avec un interet profondement personnel au point qu'il tente de presenter quelques poemes et Aurelia aux lecteurs japonais. Dans le domaine de la traduction, en effet, Nerval n'avait pas connu la fortune florissante de la poesie frangaise qui jouissait alors de publications successives, en revues ou en recueils, suivant l'eclatant exemple de Kaichdon (1905) et puis de Sangoshu (1913) dont l'immense influence est tant vantee. Pendant un demi-siecle apres sa mort, Nerval n'etait qu'un petit romantique, tombe dans l'oubli. Les manuels de l'histoire litteraire ne le mentionnent pas, les anthologies poetiques ne le choisissent pas. II est tout naturel qu'il n'attire pas l'attention de la plupart des traducteurs qui cherchent toujours les nouveautes recentes, les derniers symbolistes entre autres. Seul le poete populaire SAIJO Yaso trouve le charme secret d'une de ses meilleures odelettes: Fantaisie dont il publie la traduction en 1926. D'autre part, l'etude plus serieuse et approfondie de la litterature frangaise, dirigee par des professeurs universitaires comme TATSUNO Yutaka et SUZUKI Shintaro, fait decouvrir petit a petit une connaissance plus exacte de la poesie du 19 siecle, et a la Faculte des Lettres de l'Universite de Tokyo, vers 1930, deux jeunes chercheurs semblent s'interesser a notre poete dont "la montee lumineuse" se declenchait en France de tous les parts. OGAWA Taiichi, parlant de Nerval avec un amour sincere, redige une chronologic de sa vie suffisamment detaillee (1930), mais meurt prematurement sans achever son Etude sur Nerval qu'il annoncait. L'autre jeune nervalien TSUJINO Hisanori qui publie en feuilleton la premiere traduction d'Aurelia (1933-34) est lui aussi bientot emporte par la maladie a peu pres en meme temps que NAKAHARA Chuya. (a suivre)
著者
井村 実名子
出版者
東京女子大学
雑誌
東京女子大學附屬比較文化研究所紀要 (ISSN:05638186)
巻号頁・発行日
vol.45, pp.100-122, 1984

Dans cette 3^<eme> partie de nos recherches bibliographiques, nous reconstatons le succes surprenant que Nerval ne cesse de remporter au Japon et nous allons demontrer en particulier comment l'inspiration nervalienne y stimule la puissance creatrice de la litterature d'aujourd'hui. Signalons d'abord l'evidente parente spirituelle entre Nerval et ses deux traducteurspresentateurs : le premier est le romancier NAKAMURA Shinichiro(1918-), le second est le poete IRIZAWA Yasuo(1932-), dont les ouvrages sont de la plus haute importance. On remarquera, dans tout le travail de NAKAMURA, l'influence visible des precedes et des themes nervaliens. Il se declare d'ailleurs lui-meme "le fils d'adoption de Nerval" et compose treize variations de poemes en prose sur les themes des Chimeres : Le Voyage dans le temps (1981). Des le debut, il se mettait en quete d'une nouvelle forme romanesque proustienne ou nervalienne et cherchait a renover notre roman traditionnel. L'aboutissement de cette recherche se trouve dans son oeuvre totale la plus recente : Quatre saisons(1975-). Au centre meme du second tome, l'Ete(1978), prix Tanizaki Junichiro, l'auteur a enfin retrouve sa propre Aurelia. Quant au poete IRIZAWA, il publie en 1982 un livre de poesie d'un grand interet : Paysage ou se reunissent des morts, prix Takami Jun, dont la prodigieuse tapisserie de citations constitue un recit d'aventures spirituelles des chers poetes disparus. Le principal personnage est Lafcadio Hearn qui, apres avoir parcouru le monde, vint habiter a Matue, la ville natale de IRIZAWA, dans la region de Izumo, pays mythologique de nos anciens dieux. Hearn, dont la pensee s'apparente a celle de Nerval, est le rare occidental qui sut observer et comprendre avec amour l'esprit primitif des choses japonaises. Les souvenirs de Nerval sont surtout evoques dans le Chapitre III, et au cours de ces voyages qui depassent le temps et l'espace, les ames des poetes se reconnaissent une affinite originelle, chacune en se rememorant les vieilles chansons de son pays, autrefois entendues.
著者
井村 実名子
出版者
東京女子大学
雑誌
東京女子大學論集 (ISSN:04934350)
巻号頁・発行日
vol.21, no.2, pp.87-103, 1971-07-31

Lire un ecrivain, c'est se mettre en communication d'ame; un livre n'est-il pas une confidence adressee a un ami ideal, une conversation dont l'interlocuteur est absent? Il ne faut pas toujours prendre au pied de la lettre ce que dit un auteur: on doit faire la part des systemes philosophiques ou litteraires, des affectations a la mode en ce moment-la, des reticences exigees, du style voulu ou commande, des imitations admiratives et de tout ce qui peut modifier les formes exterieures d'un ecrivain. Mais, sous tous ces deguisements, la vraie attitude de l'ame finit par se reveler pour qui sait lire; la sincere pensee est souvent entre les lignes, et le secret du poete, qu'il ne veut pas toujours livrer a la foule, se devine a la longue; l'un apres l'autre les voiles tombent et les mots des enigmes se decouvrent.
著者
井村 実名子
出版者
東京女子大学
雑誌
東京女子大学紀要論集 (ISSN:04934350)
巻号頁・発行日
vol.52, no.2, pp.127-154, 2002-03-07

Sensible aux eloges repetes du critique de la Presse, Delacroix sollicite son appui a partir des annees 1840. Il lui envoie la serie lithographique de Hamlet (1843) pour le prier d'en faire mention dans son feuilleton, et Gautier repond sans tarder a ses prieres. En 1847, le peintre se rend chez lui pour <le remercier de son article splendide qui [lui] a fait grand plaisir>. La presence, dans la collection de Gautier, de quelques oeuvres de Delacroix (Saint Jerome, Lady Macbeth etc.), dons presumes de l'artiste au critique, ainsi que ses plusieurs lettres cordiales, prouvent l'amitie et la ferme confiance que le peintre accordait a l'ecrivain. Leurs rapports, fondes sur de profondes affinites esthetiques et sur un respect mutuel, ne connaissent pas de tension, au contraire du cas de Baudelaire. Pour l'artiste, Gautier represente la puissance et la competence de la plume, tandis que Baudelaire n'est qu'un dilettante capricieux ou un boheme dont les extravagances le contrarient parfois, et vis-a-vis duquel ce dandy courtois veut prudemment garder ses distances. Dans la notice necrologique que Baudelaire redige en 1863, il laisse echapper son ressentiment secret en parlant de la froideur, la mechancete, l'avarice de son maitre adore. Lors de l'Exposition universelle de 1855, nos deux poetes rendent chacun hommage au genie de Delacroix qui, avec la grande retrospective de sa peinture, <apparait dans l'eclat d'une gloire sereine, desormais incontestable>. L'insertion de deux poemes de Gautier dans son article, en meme temps que son celebre quatrain dedie a Delacroix, atteste la joie et la fierte de Baudelaire d'avoir contribue au triomphe definitif du peintre, a la suite de cet eminent guide qu'est pour lui Gautier. Baudelaire y tisse un beau reve triangulaire d'union entre trois esprits sympathisants. L'autre convergence esthetique significative, c'est la predilection marquee de tous trois pour l'ecole anglaise, dont Gautier fait un commentaire elogieux qui frappe surtout Baudelaire, lui aussi attire par l'originalite de cette ecole: <bizarre jusqu'a la chinoiserie, mais d'une grace fashionable>, caracterisee par sa moderniti, qualites rares dans l'ecole francaise. Le dedicataire des Fleurs du Mai, a la fin de son etude importante consacree au poete disparu, evoque la musique de Weber, <comme un soupir du monde surnaturel, comme la voix des esprits invisibles qui s'appellent>. Dans sa comprehension clairvoyante de la poetique de sorcellerie evocatoire chere a Baudelaire, une reminiscence inavouee surgit a l'esprit de Gautier, celle de ces fanfares mysterieuses, qualifiees par l'auteur des Phares, <d'idees de musique romantique que reveillent les harmonies de la couleur de Delacroix>.