- 著者
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大平 具彦
- 出版者
- 北海道大学大学院メディア・コミュニケーション研究院 = Research Faculty of Media and Communication, Hokkaido University
- 雑誌
- メディア・コミュニケーション研究 (ISSN:18825303)
- 巻号頁・発行日
- vol.53, pp.1-25, 2007-12-14
Tristan Tzara, fondateur du Mouvement Dada, «a donné la quatrième dimension à la poèsie du 20e siècle», selon l'expression de Michel Sanouillet, auteur d'un ouvrage monumental Dada à Paris. Ce poète révolutionnaire déclare dans son «Manifeste 1918» : «Il nous faut des œuvres fortes, droites, précises et à jamais incomprises». Cette devise éclatante n'est-elle pas non seulement le refus radical de l'expression représentative chère à l'épistémè europèenne, mais aussi un appel ardent à la concrétisation du «circuit total» (le mot est de Tzara) de la sensation humaine? Mais comment Tzara est-il arrivé à ce nouveau principe de création? Il est à noter que le poète était profondément inspiré, depuis le début de Dada, par l'art et la poésie nègres ainsi que par l'art moderne qui visait à l'expression non figurative. Tzara était déjà un grand collectionneur de l’art primitif. (Il l’a été toute sa vie.) Il lisait des poèmes nègres aux Soirées Dada. Et il est allé jusqu'à compiler plus de 40 poèmes nègres en les transcrivant, à la bibliothèque publique de Zurich, de la revue internationale d’ethnologie et de linguistique Anthropos. C'est la rencontre mémorable de l'avant-garde et de l'anthropologie: Primitivisme jouait un rôle essentiel chez Tzara aussi, comme dans
le cas de Picasso et d’Apollinaire. Les essais écrits par Tzara pendant la période de Dada («Note sur la poésie nègre», «Note sur l’art nègre», «Note sur la poésie», «Note sur l’art», etc.)montrent bien comment le primitivisme lui a été décisif. Fixer au point où les forces se sont accumulées, d’où jaillit le sens formulé, le rayonnement invisible de la substance, la relation naturelle, mais cachée et juste, naïvement, sans explication. («Note sur la poésie nègre») L’art, dans l’enfance du temps, fut priére. Bois et pierre furent vérité. Dans l’homme je vois la lune, les plantes, le noir, le métal, l’étoile, le poisson. Que les éléments cosmiques glissent symétriquement. («Note sur l’art nègre») Ce qui est significatif, c’est que Tzara déclare ces principes de création sans faire aucune mention, malgré les titres de ces essais, ni sur la poésie nègre ni sur l’art nègre. Ce fait ne veut-il pas dire qu’il ait identifié ces principes propres à lui avec le primitivisme si naturellemnet et si profondément? Le primitivisme (la poésie nègre, l’art nègre) est, pour Tzara, le principe même d’exprimer le circuit total de la sensation humaine, remplaçant le système représentatif européen qui ne décrit que l’apparence des choses. André Breton, leader du surréalisme qui a succédé au Mouvement Dada, dira lui aussi dans le Surréalisme et la Peinture (1928) «notre primitivisme intégral» (souligné par Breton). On pourrait dire donc que le Mouvement dada-surréaliste est, dans ce sens, le primitivisme européen, et on peut y voir une sorte de créolisation culturelle.