- 著者
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波多野 瞭
- 出版者
- 東京大学大学院総合文化研究科地域文化研究専攻
- 雑誌
- 年報地域文化研究 = The Komaba journal of area studies, the University of Tokyo (ISSN:13439103)
- 巻号頁・発行日
- no.23, pp.54-69, 2020-03-31
Les bienheureux sentent-ils, en raison de leur bonté, une compassion envers les condamnés subissant le supplice imposé par Dieu ? Cet article examine la tradition médiévale de cette question, en s'employant à situer la position particulière de Thomas d'Aquin et à examiner quelques problèmes immanents à son écrit. C'est l'homélie évangélique de Grégoire le Grand, qui jette une base conceptuelle pour la discussion médiévale, en nommant deux éléments : la perfection des bienheureux et la justice divine. Cependant, concernant la relation entre les deux, le pape oscille entre deux options : soit la compassion surgit mais se trouve refoulée, soit elle ne naît jamais (section 1). Les théologiens du XIIIe siècle s'accordent fermement à soutenir que les bienheureux ressucités n'ont jamais de compassion envers les méchants en enfer, mais cela avec une divergence : tandis qu'Albert le Grand (et Bonaventure) invoque(nt) l'impassibilité du corps des ressuscités, qui en réprime toutes passions y compris la compassion, l'Aquinate propose la doctrine selon laquelle les passions peuvent surgir suivant le choix rationnel chez les bienheureux, en admettant les passions chez les ressucités et en intégrant dans la discussion l'âme séparée avant la résurrection (section 2). L'argument de Thomas soulève deux questions : comment peut-on réconcilier l'impassibilité des ressuscités et l'existence d'une passion chez eux ? comment peut-on reconnaître à l'âme séparée, dépourvue du corps sensible, une passion, que Thomas défi nit comme mouvement d'une puissance sensible ? Les deux problèmes sont résolus par la fl exibilité ou l'ambiguïté du fondement de la théorie thomasienne des passions : employant l'adverbe proprie pour déterminer la notion propre de passion, l'Aquinate sait en garder diverses acceptions. L'impassibilité des ressuscités n'exclut la passion qu'au sens le plus strict, à savoir l'infl uence négative renversant la domination de la raison sur le corps ; l'âme séparée peut avoir une passion, dans la mesure où la passion au sens large se trouve dans la partie supérieure de l'âme (section 3).