- 著者
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斎藤 一郎
- 出版者
- 東京芸術大学
- 雑誌
- 東京芸術大学音楽学部年誌 (ISSN:02872048)
- 巻号頁・発行日
- no.6, pp.p1-39, 1981
Edmond et Jules de Goncourt se croyaient eux-memes les premiers initiateurs de la japonaiserie en France. C'est en effet en 1851 qu'ils decrivirent "une fort belle japonaiserie" dans leur premier roman: ≪En 18...≫. Mais nous ne pouvons nous empecher d'affirmer que leur gout pour le Japon etait tout au commencement souvent melange de chinoiserie et qu'il en resta toujours au simple bibelotage. D'ailleurs, Stendhal avait ecrit dans "Le Rouge et le Noir" un chapitre intitule "Le Vase du Japon", ou Julien faisait "tomber ce vieux vase de porcelaine bleu, laid au possible", que Madame de la Mole admirait. "C'etait du vieux japon, disait-elle, un present des Hollandais au duc d'Orleans regent qui l'avait donne a sa fille..." Sans doute, en comparaison d'autres collectionneurs, le gout et la jouissance des Goncourt devant les objets d'art japonais etonnent-ils aujourd'hui meme les Japonais, mais leur decouverte, nous permettons-nous de dire, se limitait aux petits objets de curiosite exotiques de l'Extreme-Orient, alors que des 1855, Felix Bracquemond emerveille de l'originalite des "Hokusai manga", dont certaines feuilles avaient ete utilisees comme emballages de porcelaines envoyees de l'Extreme-Orient, les emportait partout et en vantait l'ingeniosite des dessins a ses amis, Degas, Legros et Whistler. D'ailleurs, Claude Monet lui aussi jouissait de l'honneur d'avoir le premier decouvert l'art japonais: il avait trouve avant 1870 la premiere estampe japonaise dans un paquet chez un epicier hollandais. C'est seulement en 1866 que les freres Goncourt creerent, dans leur roman "Manette Salomon" un heros-peintre qui utilise pour son ceuvre propre les lecons tiree de l'etude de la couleur dans les estampes japonaises. Pourtant, un an auparavant, en 1865, Manet avait deja cause au Salon un grand scandale avec son "Olympia", indiscutablement influencee par la composition simplifiee et les couleurs eclatantes des impressions japonaises. Ainsi doit-on affirmer que c'est toujours apres les artistes que les Goncourt firent mention de leurs decouvertes techniques a l'egard de l'art japonais. Est-ce apres Bracquemont, c'est-a-dire presque plus de vingt ans apres la fabrication de ses assiettes avec les dessins d'apres Hokusai qu'Edmond de Goncourt celebra dans son ≪Journal≫ du 19 avril 1884, "le decor jete de cote sur la chose, le decor non symetrique", contre la religion de l'art grec? Nous sommes cependant tout prets a admirer la sensibilite visuelle des freres Goncourt: par exemple Edmond appreciait au juste certains surimonos, "qui ne sont que des compartiments de couleur juxtaposes harmonieusement et qui contiennent un morceau de bleu sur lequel sont jetes de petits carres d'or, un morceau de jaune ou sont graves en creux des tiges de pins au milieu de nuage, etc..." (Journal du 23 juillet 1888) Nous estimons aussi bien son style de description qui choie et dorlote la surface des objets, ce style incontestablement issu de son oeil d'amateur d'objets d'art. Mais enfin, nous ne croyons malheureusement pas qu'Edmond de Goncourt ait pu nourrir sa litterature de son japonisme. C'est, d'une aprt, a cause d'un probleme de langage: sa lecture de la litterature japonaise etait bornee a une ou deux traductions et d'autre part, c'est a cause de sa conviction obstinee pour le realisme, pour "la recherche du vrai en litterature": qu'il aurait du trouver la litterature japonaise, par exemple l'oeuvre de Tamenaga Shunsui, tres naive et imparfaite, quoiqu'il admirat le pathetique de certains heros et la delicatesse d'une jeune heroine amoureuse. A nos yeux, Edmond de Goncourt parait donc tout au plus, apres la mort de son frere, comme un amateur d'art japonais, qui fit d'ailleurs beacoup pour sa propagation. "La litterature, ecrit Edmond, c'est ma femme legitime, les bibelots, c'est ma p..., mais pour entretenir cette derniere, jamais, au grand jamais, ma femme legitime n'en souffrira." Les bibelots japonais demeurerent toujours sa predilection, et il acheta, par exemple en 1884, 2,000 franc l'ecritoire de Korin, escomptant le succes de ≪Cherie.≫ Et un jour, Tadamasa Hayashi, grand commercant japonais qui aurait vendu 15 millions d'impressions japonaises en 11 ans et etait vraiment un bon guide sur le Japon aupres d'Edmond de Goncourt, tira alors qu'il etait en train de visiter la collection de celui-ci, un yatate, ecritoire de poche, d'un tiroir. Alors, Edmond vit "ses doigts pris d'un tremblement religieux, comme s'ils touchaient une relique", et il entendit le Japonais lui dire d'une voix emotionnee: "Vous savez, vous possedez la une chose tres curieuse.... Une chose fabriquee par un des quarante-sept ronins!" Ce petit objet avait ete fabrique par un vassal du prince Akao, "par un de ces quarante-sept heros qui se vouerent a la mort pour venger leur seigneur et maitre." Hayashi lui traduisit l'inscription sur le fond du sceau de l'ecritoire: Sculpte par Otaka Nobukiyo, sujet du prince Akao, en 1683, a la fin du printemps. Edmond, qui avait deja lu Les Fideles Ronins, roman de Tamenaga Shunsui, traduit sur la version anglaise, et The Forty-Seven Ronins dans Tales of old Japan, par A.-B. Mitfort, trouvait dans cette histoire "de certaines qualites litteraires tres remarquables", et il en avait cite plusieurs anecdotes dans son Journal. Il eprouva un grand desir de faire connaissance avec la personne de son "artiste-heros", par un portrait, une figuration. Et Hayashi lui designa dans un album de Kuniyoshi, Sei Tu Guishi Den le portrait d'Otaka Gengo. Il traduisit encore le texte de la biographie au-dessus de la figure du guerrier, et Edmond en rejouit d'une phrase: Afin de se renseiquer D'ailleurs, Kuniyoshi, longtemps considere comme un artiste de seconde classe au Japon, avait trouve ses plus grands admirateurs en France. Peut-etre influence par Hayashi, Edmond de Goncourt declarait que son arriste de predilection etait Utamaro, mais il avait dans sa collections l'album de Kuniyoshi, dont cependant il ne parla jamais dans ses livres. Et ce n'est que tut recemment que l'on commence a reestimer Kuniyoshi au Japan. le mieux possible des habitudes de son ennemi, il se deguisa en marchand d'objets de bambou. En effet, Le petit ecritoire etait fabrique de deux morceaux de bambou.